Cinétalents- Vitrine des cinémas d\'Afrique

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Entretien avec Léonardo Di Caprio

 Paru sur www.lexpress.fr/mag/cinema 

 

Aviator, le film dans lequel vous interprétez le milliardaire Howard Hughes, sort ces jours-ci. C'est vous qui avez apporté ce projet à Martin Scorsese. Qu'est-ce qui vous a attiré dans le personnage?

Il y a huit ans, quand j'ai ouvert un livre sur sa vie, la seule chose que je connaissais, c'était cette espèce de créature monstrueuse qui vivait recluse dans sa chambre d'hôtel, terrifiée par les microbes, le milliardaire qui achetait tous les casinos qu'il voyait de sa chambre à Las Vegas. En tant qu'acteur, on recherche des rôles complexes et intéressants. Je ne peux pas les inventer, je ne suis pas écrivain. J'ai regardé la vie de Hughes et j'ai découvert une histoire fabuleuse: toute la période de sa jeunesse. J'ignorais complètement qu'il était venu à Hollywood et qu'il était ce producteur rebelle opposé au système des studios. Je ne savais pas qu'il était aussi un héros de l'aviation. A cette époque, les pilotes étaient comme des astronautes. Ils ne pilotaient pas des avions mais plutôt des machines expérimentales archaïques qui, souvent, s'écrasaient. Quand ils réussissaient à sortir des débris, ils cherchaient à améliorer leur engin et repartaient.

Ce qui ajoute de l'intérêt à l'histoire de Hughes, c'est qu'il est très malade.

Oui. Il réalise ces magnifiques projets tout en souffrant de troubles obsessionnels compulsifs [TOC] très sévères. Il a la terreur des microbes, mais à l'époque sa maladie n'est pas bien connue et elle n'est pas diagnostiquée. Howard Hughes vit un enfer vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Toute la journée, il doit lutter avec lui-même et avec sa peur pour arriver à fonctionner normalement.

C'est une tragédie antique.

J'ai vu dans sa vie une histoire extraordinaire: quelqu'un à qui tout est donné et qui réussit tout ce qu'il entreprend, mais qui porte en lui les graines de la maladie qui, peu à peu, va se révéler. C'est une tragédie shakespearienne. Le film n'est pas une histoire morale. Il essaie seulement de dire quelque chose sur la condition humaine et sur notre désir d'avoir toujours plus et de n'être jamais satisfaits.

«La maladie mentale d' Howard Hughes, c'est cela qui m'était le plus étranger dans le personnage»

Est-il plus difficile de se préparer pour un rôle inspiré d'une personne réelle?

La vraie difficulté, c'est que tant de gens ont connu ou connaissent les personnages du film - Ava Gardner, Katharine Hepburn, Howard Hughes. Ils s'attendent à ce que nous incluions tous les détails dans un film. C'est impossible. Le travail de l'artiste et du metteur en scène est de mettre en lumière seulement un aspect de la vie du personnage. En même temps, le fait d'avoir à ma disposition beaucoup de sources différentes a rendu mon travail plus facile. Je pouvais trouver des informations sur un aspect précis de la vie de Hughes et comprendre d'où venait une émotion, pourquoi il réagissait d'une certaine manière.

Avez-vous rencontré des gens qui avaient connu Howard Hughes?

Oui, j'ai passé une journée avec son ex-femme. J'ai aussi rencontré un médecin qui connaissait son histoire médicale. J'ai aussi passé trois jours à Montréal avec un patient souffrant de TOC. Tout cela m'a aidé.

Vous avez passé du temps avec un malade?

Quand vous ouvrez un scénario, vous ne comprenez pas bien la dynamique d'une maladie mentale comme celle-ci. C'est ce qui m'était le plus étranger dans le personnage. Je ne savais pas ce qu'était un TOC. Il y a dans le scénario un passage où Howard Hughes répète la même phrase pendant trois pages, et je ne comprenais pas ce qui le forçait à répéter cette même phrase. Le Dr Jeffrey Schwartz, de l'université de Los Angeles, m'a aidé à comprendre, et j'ai ensuite passé du temps avec un malade qui m'a montré tous ses rituels et ses manies. Tout se passe dans la partie reptilienne de notre cerveau, qui refuse d'écouter la partie rationnelle et a besoin d'accomplir certains rituels de peur que quelque chose de terrible n'arrive, sans même comprendre d'où vient cette peur. C'est intense!

Howard Hughes était aussi un rebelle. Quand on regarde votre carrière, vous avez souvent choisi d'interpréter des personnages qui se révoltent. Est-ce un choix délibéré?

J'ai même joué Rimbaud, le rebelle absolu! Non, c'est inconscient. Chacun de nous gravite naturellement vers des rôles particuliers. C'est quand on regarde en arrière que l'on voit qu'il y a une certaine cohérence.

Vous avez connu le succès très jeune. Qu'est-ce qui, dès votre premier film, Blessures secrètes, avec Robert De Niro, et ensuite Gilbert Grape, qui vous a valu une citation pour un oscar, vous a fait choisir des films sérieux plutôt que des films pour adolescents?

J'ai toujours su que je serais acteur. C'était une certitude. Quand on m'a proposé de jouer dans Blessures secrètes, je savais déjà que pour avoir de la longévité, pour durer dans ce métier, il fallait prendre ce travail au sérieux et choisir des rôles qui vous poussent. A 17 ans, on m'a proposé deux films: l'un s'intitulait Hocus Pocus; l'autre, Gilbert Grape. Ma famille n'était pas riche et le fait que l'on me propose un rôle était quelque chose d'incroyable. A 17 ans, j'ai donc dû choisir entre un film «pop corn» et Gilbert Grape. Pour moi, ce fut un tournant. Pour tourner Hocus Pocus, on m'offrait plus d'argent que je n'en avais jamais rêvé. Il fallait que je donne une réponse tout de suite, alors que je devais attendre encore un mois pour savoir si je serais choisi pour Gilbert Grape. Quand on a 17 ans et que l'on vous propose tant d'argent pour travailler comme acteur, il n'est pas facile de le laisser filer. A ce moment-là, je me suis dit: je veux être plus exigeant avec moi-même. L'ironie, c'est que, quatre ans plus tard, je me suis retrouvé dans le plus grand succès de l'histoire du cinéma, Titanic, et qu'à partir de là la perception que les gens avaient de moi a complètement changé!



11/07/2007
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